Président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, fonction qu’il occupe au sein du groupe Bouygues, Fabrice Bonnifet invite les décideurs à prendre acte de l’impératif climatique. Le message des scientifiques est limpide : les petits pas ne suffiront pas. Les entreprises doivent accepter de revoir leur modèle économique.
Fabrice Bonnifet : Ceux qui prendront le temps de lire les résumés pour décideurs des trois rapports du Giec récemment publiés verront que ce n’est pas seulement important. C’est vital ! On ne sauvera pas la machine planétaire sans engager une cure climatique. En faisant des économies d’énergie, en développant les énergies renouvelables, mais aussi en allant vers la sobriété. Quand on commence à ramasser des pommes, on choisit toujours les fruits les plus accessibles. Cela fait des années que les entreprises font tout ce qu’elles peuvent pour moins gaspiller. Ces petites optimisations ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous devrons aller vers des mesures plus radicales. Qui nous permettent de réduire nos émissions de 6 % chaque année.
Environnement
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
Fabrice Bonnifet : Non pas forcément. Les entreprises du monde entier vont devoir repenser leur modèle d’affaires. Abandonner l’économie linéaire dispendieuse en ressources et aller vers une économie d’usage. Celles qui ont déjà franchi le pas ne se portent pas si mal : Ricoh en louant ses photocopieurs et en se rémunérant à la page imprimée, Michelin en louant ses pneus de camions… Dans un contexte où les matières premières deviennent plus rares et plus chères, conserver la propriété de ses produits permet de gagner en rentabilité. D’amortir ses achats sur une base d’utilisateurs plus large grâce à l’approche servicielle. Et au passage d’être mieux connecté à ses clients car on a besoin de comprendre la manière dont ils s’approprient les produits qu’on leur propose.
Fabrice Bonnifet : Sans doute pas. Mais elle concerne l’essentiel de l’économie. Chez Bouygues par exemple, nous travaillons sur des concepts de bâtiments qui mettent l’accent sur la question d’intensité d’usage, sur la possibilité que certains espaces soient sous-loués quand l’utilisateur principal n’en a pas besoin. Des actifs optimisés, c’est une intensité carbone par utilisateur qui diminue, des recettes additionnelles pour les clients et une opportunité pour Bouygues de se développer sur la partie exploitation, un métier qui ne faisait pas partie de notre offre et sur lequel on monte en puissance. C’est aussi une manière de répondre à de nouvelles contraintes comme les politiques « zéro artificialisation nette ».
Fabrice Bonnifet : Le Giec nous rappelle que nous devons agir immédiatement pour limiter les effets du chaos climatique qui se dessine. L’évidence finira par l’emporter, mais on a besoin d’inciter les entreprises à se lancer. Pour cela, on le sait, il y a trois types de mesures. D’abord la réglementation avec des échéances et des interdictions. La régulation est nécessaire, même si elle n’est pas populaire. De même qu’on a interdit l’alcool au volant ou la vitesse, on a besoin de contraintes sur les véhicules thermiques, sur le plastique à usage unique ou sur le réemploi d’éléments récupérés sur les bâtiments hors d’usage. On a ensuite un levier fiscal. Dans ce même secteur où 42 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année, une TVA adaptée pourrait participer à ce que le prix des matières secondaires soit au-dessous du prix du neuf. Enfin, il est nécessaire que l’État montre l’exemple grâce à la commande publique qui privilégie (véritablement) les solutions bas-carbone.
Fabrice Bonnifet : C’est vrai. Dans les grandes entreprises, on doit changer la roue en roulant. Pendant la période de transition, il faut gérer des injonctions contradictoires. Le monde d’avant en même temps que le monde d’après. Les responsables environnement doivent être des influenceurs en interne et en externe. À nous de trouver les arguments pour qu’on nous écoute davantage que ceux qui prônent le statu quo et qui s’arc-boutent sur des modèles qui ne rendent pas service à l’entreprise. Une chose est sûre si j’en crois mon expérience. Les responsables RSE sont bien plus écoutés depuis quinze ans.
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